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0209/21
Journée de commémoration du 14 juillet 2021 de la ville de Nice en hommage aux victimes de l’attentat du 14 juillet 2016.
Le 14 juillet 2016, 86 anges étaient victimes du terrorisme aveugle et sauvage sur la Promenade des Anglais.
Cette année, un hommage a été rendu par Christian Estrosi, Maire de Nice, Président de la Métropole Nice Côte d’Azur, Jean Castex, Premier ministre, accompagné de plusieurs ministres de son gouvernement. Un concert de Grand Corps Malade a également eu lieu avant que 86 faisceaux illuminent la nuit niçoise.
Déjà cinq ans..
Ce 14 juillet 2021 résonnait encore plus douloureusement.
La peine est toujours vive pour les Niçois mais insupportable pour les familles qui vivent l’absence d’un être cher et pour les blessés qui garderont à jamais la marque de cet attentat.
Les hommages furent, avec le discours du Maire, poignants.
La Maison d’Accueil des Victimes les partage avec vous.
À Nice nous n’oublierons pas nos 86 anges et nous serons toujours aux côtés des familles et des associations.
La Maison d’accueil des victimes met ses équipes à leur service pour les conseiller, les soutenir et les accompagner.
Honorer, commémorer, entretenir le souvenir et rester vigilant.
La résilience reste un combat de chaque instant sur sa douleur.
Monsieur le Premier ministre,
Chers Niçoises, chers Niçois,
Il y a cinq ans, notre pays subissait l’une des pires barbaries de son histoire.
Nice, et à travers elle la France, était souillée par le terrorisme islamique.
Depuis ce funeste 14 juillet 2016, le jour de notre fête nationale est devenu désormais un moment de peine.
Une épreuve qui désormais se répète chaque année. Je sais que, pour certains d’entre-vous, c’est la première fois que vous avez pu réussir à trouver, en vous, le courage d’être présents.
Car c’est dans notre chair et dans notre sang que nous avons été touchés il y a 5 ans.
86 anges, de toutes nationalités, de toutes religions, de toutes conditions sociales, se retrouvant un 14 juillet pour fêter la concorde nationale jusqu’à en payer le prix de leur vie.
Cinq ans après nous sommes toujours là.
Cinq ans déjà.
Cinq ans que nous sommes chaque 14 juillet dans la tristesse, alors que chez nous, c’est souvent un beau jour d’été.
Cinq ans où chaque victime, chaque famille, chaque témoin, chaque niçois, chaque Français, se souvient, et pleure parfois.
Cinq ans après, nous sentons encore leur présence. Et nous honorons leurs mémoires.
Cinq ans où chaque jour a pu être un jour de douleur, de découragement, de rage, d’espoir, de paix pour chaque personne qui a été touché, pour chaque victime que nous accompagnons chaque instant pour aider à traverser cette épreuve.
Je sais le rôle majeur et l’investissement de nos associations de victimes pour que personne ne soit isolé dans la douleur, et pour leur redonner de l’espérance.
Et nous le ferons toujours, car la peine ne disparait jamais.
Cinq ans où nous refusons l’oubli pour nos morts, mais aussi pour nos vivants, ces blessés, ces enfants, ces personnes traumatisées.
Ils sont notre avenir et incarnent la victoire sur la barbarie.
Car nous ne céderons pas. Jamais.
Nice n’oublie pas l’insigne honneur que lui a fait le Président de la République en l’accompagnant un an après cet attentat.
Sa présence témoignait, au nom de la Nation, de cette peine partagée par chaque Français.
Aujourd’hui, vous êtes là Monsieur le Premier Ministre. C’est avec émotion que je m’adresse en ce jour désormais si particulier pour chaque Niçoise et chaque Niçois.
Votre présence témoigne et renouvelle notre certitude que la France tout entière ne les oubliera pas, ne nous oubliera pas.
Il y a quelques minutes encore, vous etiez là auprès de chacun, à les écouter, à partager leur peine et à entendre leurs demandes. A travers vous, c’est la Nation toute entière qui s’engage à les accompagner.
Chaque année, c’est plus forts que nous nous rassemblons autour de l’idée que nous nous faisons de ce qu’est la France, de sa place unique dans l’histoire, le présent et l’avenir du monde, de sa culture, de ses traditions, de ses valeurs humaines indépassables, la liberté, l’égalité, la fraternité.
Chaque année, sans rien oublier, sans rien ignorer de la menace qui se perpétue, c’est plus unis que nous vivons ces moments étranges et pourtant si puissants.
Cette année encore, alors que la pandémie est toujours là, c’est plus déterminés que nous vivons ce 14 juillet, déterminés à être plus solidaires, plus efficaces, plus énergiques dans la lutte que nous livrons au virus.
Mais c’est aussi avec gratitude que je m’adresse à vous Monsieur le Premier Ministre. Une gratitude immense, dont je vous prie de transmettre l’expression au président de la République, pour ce qui s’est passé ce matin à Paris, sur les Champs-Elysées. Je n’oublie pas non plus, que le 14 juillet 2017, en hommage de la Nation à nos anges, Nissa La Bella a été jouée en ouverture du défilé.
Ce matin, au milieu des forces armées et des forces de sécurité et de secours qui sont l’honneur de la Nation ont défilé 42 policiers municipaux niçois.
Les mots ne sont pas assez forts pour vous dire leurs sentiments, et les nôtres.
Merci de leur avoir conféré cet honneur.
Permettez-moi de leur redire publiquement ce que je leur ai dit déjà ce matin : bravo à tous, bravo, nous sommes infiniment fiers de vous.
Ce 29 octobre 2020, une nouvelle fois, ils ont risqué leur vie pour protéger celles des Niçoises et des Niçois. Eux, qui tous les jours, dans tous les évènements, dans tous les quartiers de Nice, sont mobilisés pour assurer la sécurité de tous.
Toutes ces épreuves accumulées ici, le terrorisme, la tempête Alex, la pandémie, tout cela ne nous affaiblira pas.
Au contraire, ils nous ont renforcé.
L’histoire de la France nous a appris que c’est justement quand l’adversité obscurcit l’horizon qu’il faut croire en nos capacités à sortir en vainqueurs de l’épreuve.
L’histoire de Nice aussi nous donne cette même leçon.
Et je prends l’engagement que c’est ensemble que nous continuerons à trouver les réponses les plus justes, et je sais que vous en ferez de même Monsieur le Premier ministre.
Je suis à vos côtés.
Je serai toujours avec vous.
Et c’est ensemble, unis dans l’épreuve, que nous résistons et que nous trouvons aussi en nous les raisons d’espérer.
L’espoir en la vie, qui est si forte, qui nous offre tant de joies, qui nous unit.
L’espoir qui nous est indispensable pour renouveler nos forces et notre énergie.
L’espoir qui solidifie notre détermination.
L’espoir qu’on tente sans relâche d’anéantir et qui grâce à vous est plus fort que jamais.
Écrit et lu par Hager Ben Aouissi, co-présidente
Bonjour à toutes et à tous,
Si j'ai appris quelque chose depuis que je suis née c'est que :
"La vie est parsemée d'épines plus que de fleurs ».
Ce jeudi 14 juillet 2016 nous avons découvert que cela n'arrive pas qu'aux autres…
Il y a 5 ans, 5 ans déjà, et pourtant c'est comme si c'était hier.
Il y a 5 ans, a eu lieu ce terrible attentat du 14 juillet 2016.
Il a fait 86 victimes décédées, nos anges à jamais dans nos cœurs,
il a fait des centaines de blessés physiques meurtris au plus profond de leurs chairs,
et il a fait des milliers de blessés psychologiques détruits au plus profond de leurs âmes.
5 ans ponctués par de nouvelles barbaries en France et partout dans le monde.
5 ans et malgré tout, ce vide indescriptible et ses blessures qui restent des plaies ouvertes terriblement douloureuses.
5 ans plus tard, c’est toujours impossible de trouver les mots pour expliquer l’inexplicable.
5 ans après, nous ne devons pas oublier.
Et c'est pourtant difficile, de se souvenir.
Car ce souvenir, c'est se souvenir de l'effroi, de l’horreur de ce soir-là,
se souvenir de cette mort qu'on a vécue, qui nous a envahis
se souvenir de nos corps et de ceux de nos proches touchés,
se souvenir de ces corps d'inconnus étalés sous nos yeux,
se souvenir de l'angoisse, de la panique et de la confusion que nous ne pouvons pas décrire,
se souvenir du désordre et de l’attente.
Et les enfants dans tout cela ?
N'est-ce pas eux notre avenir ?
N'est-ce pas sur eux que tous nos espoirs reposent ?
Que faisons-nous pour eux 5 ans après ? Comment peut-on les aider ?
Ils ont vécu ce que personne n'est préparé à vivre, ni les adultes, ni les professionnels, quel que soit leur domaine.
Beaucoup d'entre eux ne savaient même pas ce que signifiait le mot mort et ils l'ont pourtant expérimentée et vue de leurs propres yeux.
Ils ont vécu cette réalité malgré eux, une réalité que personne n'est prêt à affronter.
Comment effacer cette nuit de la mémoire de nos enfants ?
Comment enlever ces images atroces de leurs petites têtes innocentes ?
Nous sommes tous, que l’on soit professionnels, autorités, amis, ou bien même parents,
Nous sommes tous démunis face à cela !!!
Car 5 ans après, c’est toujours là, dans la mémoire, dans les cauchemars, dans une sirène de police, dans un cri, dans un bruit et dans tant d’autres choses du domaine de la vie quotidienne dans notre société.
Chez nos enfants victimes, les conséquences de ce psycho-traumatisme constituent toujours de véritables fractures existentielles qui bouleversent leur organisation psychique.5 ans après se souvenir, c'est se souvenir de l'indicible…
Mais c'est aussi, se souvenir :
– de l'intervention et l'implication immédiates des forces de l’ordre, des pompiers, des soignants et des bénévoles répondant au mieux de leurs capacités à cette situation dramatique et inédite.
C’est se souvenir :
– du soutien et de l'élan de la population rassemblée, unie avec nous dans la peine, le désarroi et la compassion.
Se souvenir également de toutes les victimes d'attentat si nombreuses en France et dans le monde et se souvenir au plus proche de nous, de nos 3 victimes à la basilique Notre-Dame.5 ans se sont écoulés et la vie a continué son chemin,
pourtant, cette immense blessure, ce vide profond, resteront gravés en nous pour toujours.
« Nous » les victimes, les familles, et vous les témoins de ces atrocités.
Mesdames et messieurs, nous sommes tous concernés par le terrorisme.
Quoi que nous fassions et où que nous soyons, le terrorisme peut soudainement s’abattre sur nous comme la foudre et bouleverser toute notre vie !
Nous le savons particulièrement car nous l'avons vécu...
Au cœur de toutes ces atrocités, il est facile de se laisser tomber dans le cercle vicieux de la haine et de la colère, mais ce n’est pas en suivant ce chemin destructeur que nous ferons de notre monde un monde meilleur.
Afin de nous regarder dans le miroir avec dignité, nous avons choisi la voie de la Résilience, de la Paix, de la Vie, de l'Espoir, de la Justice et de l’Amour,
Car nous devons être meilleurs que nos bourreaux !
S'il y a une chose que je peux affirmer, c’est que nous ne serons jamais plus les mêmes.
S'il y a une chose aussi que je peux affirmer, c'est que nous allons absolument rester debout !
Nous allons nous servir de cette épreuve et de notre force pour empêcher de nouvelles catastrophes, et pour éviter que nos enfants et nos futures générations vivent de tels drames,
car nous avons le devoir de préparer un bel avenir à nos enfants et petits-enfants !
Dans ce but, depuis cette date fatidique, comme beaucoup de victimes, nous nous battons, je me bats sans cesse dans tous les domaines de notre vie quotidienne pour survivre à cette déflagration que nous vivons toujours et à chaque seconde dans nos chairs et dans nos âmes.
Depuis 5 ans, nous faisons preuve de beaucoup courage, d’une grande détermination, d’une force mentale colossale, pour ne pas dire surhumaine, de ressources qui nous surprennent nous-mêmes, afin de surpasser nos difficultés et nos douleurs, pour revenir à la vie et reprendre une place dans la société.
Notre envie de vivre, de survivre, de revivre, est invincible, et elle le restera !
Mais dans notre reconstruction, chacune et chacun d'entre vous a aussi un rôle à jouer.
Aidez-nous encore et encore à redonner du sens à tout cela, parce que ça ne doit pas s’être passé pour rien !!!!!
Et la meilleure manière dont vous pouvez le faire, c’est en nous accompagnant par votre compréhension, votre empathie et votre amour.Je terminerai par l'extrait de ce poème de Jacques Roumain, car pour ma fille Kenza, également victime blessée, et moi, c’est exactement de cette manière que nous ressentons notre ville et au-delà de notre Nice bien aimée, notre pays, Notre France.
"Si l’on est d’un pays,
si l’on y est né,
comme qui dirait : natif-natal, eh bien, on l’a dans les yeux, la peau, les mains, avec la chevelure de ses arbres, la chair de sa terre, les os de ses pierres, le sang de ses rivières, son ciel, sa saveur, ses hommes et ses femmes :
c’est une présence dans le cœur, ineffaçable,
une fille qu’on aime :
on connaît la source de son regard, le fruit de sa bouche, les collines de ses seins, ses mains qui se défendent et se rendent,
ses genoux sans mystère,
sa force et sa faiblesse,
sa voix et son silence."
Écrit par Marek, secrétaire général, et lu par Anne Murris, présidente
L'été à Nice
Chaque année à Nice, l'été métamorphose la ville. Quand la chaleur clôt les persiennes et que l'on cherche l'air jusqu'au creux des fontaines, débute quelque chose de nouveau. Une partie du paysage se fige de manière à ne plus être qu'un prolongement des rayons du soleil. Derrière le chant des cigales de l'arrière-pays, un morceau de Nice s'endort allongé dans un bain de lumière. Fait de murs blancs, de bois sec et d'âmes épuisées, une immobilisation partielle se génère progressivement pour laisser entièrement place pendant quelques mois à une autre vie. C'est de celle-ci dont nous souhaitons parler.
À l'inverse de la première, elle s'anime davantage dès que les températures grimpent véritablement. Dans ce décor devenu brûlant, elle se dresse et s'agite peu à peu au-dessus du reste. Cette face de Nice, c'est celle de la fête comme on la fait nulle part ailleurs, celle des bars et des restaurants bondés, celle de la nuit qui ne craint pas l'aube. En temps normal, ce versant de Nice célèbre chaque année ses propres retrouvailles et profite intensément de sa renaissance. C'est la vitalité qui s'exprime dans ce qu'elle a de plus pur et de plus sincère. Elle forme un balai de fraîcheur qui irrigue ceux que la chaleur accable. C'est à ce visage de Nice auquel nous souhaitons rendre hommage, car il fut durement touché il y a 5 ans et qu'il continue de l'être aujourd'hui par d'autres biais.
Le 14 juillet 2016 commençait pourtant comme une nouvelle journée d'enthousiasme pour ces hommes et femmes pleins de vie. Au petit matin, l'appel d'une baignade à la plage de la Réserve avait réveillé les plus hardis. Ils s'y rendirent pour y croiser autant de jeunes sportifs que de vieilles dames aux bonnets de bain d'une autre époque. Ils passèrent ensuite par le cours Saleya où le parfum du marché aux fleurs fit dire aux plus sensibles que les murs de la place en étaient comme imprégnés. Quelques beignets de légumes farcis accompagnés d'une immanquable part de socca donnèrent à la sobriété d'un déjeuner dans le Vieux Nice un aspect quasi solennel. Après cela, un semblant de sieste auprès de l'être aimé transforma leur après-midi de tendresse en un accès immédiat à la simplicité du bonheur. Avant le soir, un moment moins solaire empreint d'une inconnue nostalgie a pu les effleurer. Crainte muette d'un temps qui passe, adieux inconscients à des moments précieux d'innocence, salut involontaire à la brièveté de la vie.
Puis ce fut le tour de la prom', du feu d'artifice, du bouquet final. Toute la ville de Nice devenue verticale communiquant au ciel ses lumières dans des sifflements ininterrompus. Les parents qui souriaient, les enfants qui sautaient et les autres qui dansaient, tous rassemblés les yeux dans les étoiles de la promenade des Anglais, comme si tout pouvait continuer normalement, comme si cette soirée du sud allait comme d'ordinaire permettre des instants de lumière et de plaisirs partagés.
Les fracas que nous ne voulons plus décrire eurent pourtant lieu juste après. L'horreur a roulé sur la vie, sur ces vies si candides, si fraîches, si réelles, si inachevées. Nice la festive, Nice la joviale, Nice la belle, la si belle, s'est ébranlée. La vitalité a rejoint le silence, l’énergie débordante, le repos précoce. Cette année-là, l'été s'est terminé un 14 juillet pour notre ville. Suivit un hiver bien long, suffisamment long pour veiller les morts et accompagner leur incompréhensible départ.
Comme toutes les saisons, comme tous les mouvements immuables de la terre, comme tout ce qui fait la vie, l'été finit par revenir. Pour beaucoup d'entre nous, il ne pourra plus être le même. Il semblera plus terne, moins bleu, sans réel éclat. Mais aujourd'hui, malgré la douleur, nous le distinguons néanmoins : l'été niçois est bien là.
Nous sommes heureux de revoir l'élan vital de notre ville animer à nouveau nos rues, nos quartiers, redonner du relief à nos quotidiens. Malgré les drames, malgré les morts, malgré les fous, malgré les épidémies, Nice rayonne et rayonnera toujours. Dans sa si jolie mer, carrefour des civilisations du monde, perce le souvenir de beaucoup de souffrances et d'incompréhensions. Mais à la nuit tombée, quand les lumières s'allument et que la musique résonne, c'est un tableau presque vierge qui s'étend sur l'horizon. Alors, la vie reprend, l'espoir renaît et l'été à Nice peut malgré tout recommencer. Si la douleur perdure et que les cicatrices sont loin d'être refermées, nous accompagnerons de tout cœur cette ronde des saisons. Dans ce contexte, notre association Mémorial des Anges occupera le rôle qui est le sien depuis sa création. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour faire naître un Mémorial Musée à Nice. Pour les raisons que nous venons d'énumérer, nous sommes absolument convaincus que notre ville est prête à accueillir cet espace d'envergure nationale. Aucun calcul politique ou idéologique ne saura nous faire dévier de notre chemin, nous resterons fidèles à la mémoire de nos morts. Pour un été à Nice sous un véritable ciel bleu, nous continuerons notre combat, pour les Niçois d'hier, d'aujourd'hui et de demain, et plus largement, pour tous les citoyens du monde.
Lu par Stéphane Erbs, co-président
Mesdames et Messieurs, chères victimes, chers amis,
Que n’a-t-on pas déjà dit et écrit sur ce soir-là ?
Le souvenir que j’en garde, prend la forme d’une chaude soirée, heureuse et festive.
Qui, en quelques secondes, se transforme en chaos, en stupeur, en effroi et vision d’horreur.
En un enfer qui nous a enlevé nos être chers sous nos yeux.
Marquant violement et torturant à jamais nos esprits.
J’ai l’impression que c’était hier, mais c’était il y a 5 ans déjà.
5 ans.
Dans une vie normale, en 5 ans on a le temps de réaliser de beaux projets, familiaux, professionnels, associatifs.
5 ans c’est une durée significative à l’échelle d’une vie.
A l’échelle de la mort c’est un grain de sable.
Pour les victimes blessées, endeuillées, meurtries, c’est à peine le temps de prendre conscience qu’une nouvelle vie a débuté ce jour-là.
5 ans ont déjà passé, depuis le premier jour du reste de notre vie.
Posons-nous, cette question, qu’avons-nous fait durant ces années ?
Chacun peut et doit se la poser.
Qu’ai-je fait de ces 5 dernières années ?
Pour commencer, il y a eu la stupeur, la douleur physique décuplée par la souffrance psychologique de l’atrocité du vécu, des images inoubliables.
Le deuil que l’on refuse, que l’on rejette avec colère, et qu’enfin, las de tristesse, on se résigne à accepter.
Alors s’installe cette nouvelle vie, plus difficile, plus âpre, plus amère, plus tendue, sujette à tant de colère et de questions.
Une vie plus triste et beaucoup plus résignée, où chaque jour est une épreuve.
Mais une vie à vivre malgré tout, une survie pour accompagner ceux qui restent et resteront après nous.
Le syndrome de stress post-traumatique est installé, diagnostiqué, parfois on se surprend à sourire et on en a presque honte.
Et alors arrive la prise de conscience, cuisante double peine, que jamais on ne se remettra de cette épreuve, du manque de nos défunts dont l’absence nous rappellera cruellement chaque jour combien nous les aimions.
Puis, les semaines, les mois ont passé et nous les avons contemplés, comme on regarde un train raté partir devant soi, spectateur hagard et stupéfait.
Petit à petit, nous avons ressenti le besoin de rencontrer d’autres victimes, de nous parler de nos maux avec nos mots, notre langage.
Avec un champ lexical qui nous est propre et que seules d’autres victimes peuvent entendre et comprendre.Autre façon d’exorciser la douleur :
L’association de soutien et d’entraide des victimes « Promenade des Anges » a logiquement été créée, permettant à ses membres de tisser des liens quasi-familiaux, autre étape vers la résilience.
En contrepartie, la souffrance et la peine étant trop présentes, trop vives, l’implication dans l’association a souvent généré une charge émotionnelle impossible à supporter sans un renouvellement permanent de sa direction.
De cette association créée dans la douleur ont émané de belles actions, de beaux projets, basés sur le désir de se reconstruire et d’avancer sans oublier nos défunts.
Les principales actions ont tout d’abord pris la forme de collecte de fonds et d’affectation des différents dons afin de nous structurer.
Il y a eu notamment le match de football des légendes, le don du chanteur Renaud et tant événements.
Dont une foule de toutes petites initiatives dont nous ne remercierons jamais assez les auteurs.
Ces dons nous ont permis de financer différents projets dont les principaux sont les suivants :Le projet 14 07 Lenval :
Car la spécificité de l’attentat réside dans trois caractéristiques principales.
La première, c’est qu’elle concerne un grand nombre d’enfant.
La seconde est son extrême et soudaine violence qui a totalement surpris les victimes, survenant lors d’un moment festif dans un pays en paix.
La dernière est qu’il est très difficile à appréhender, car en milieu ouvert, touchant des nationalités et religions différentes, des classes sociales différentes, des enfants, des personnes handicapées, des vieillards.
On ne peut le mettre dans aucune case sinon celle de l’horreur absolue.
Des études réalisées aux Etats-Unis après le 11 septembre 2001, ont démontré que les enfants exposés à cet attentat présentaient plus de psychopathologies que la moyenne de la population.
Et celles-ci s’installent et perdurent de façon croissante durant leur vie d’adulte.
Le projet 14 07 est un projet de recherche pluridisciplinaire tourné vers le soin aux enfants et leur famille.
Ce afin d’analyser l’évolution clinique de ces enfants et de leurs différents facteurs psycho- traumatiques et de prévenir ces psychopathologies.
Nous avons participé au financement de ce projet qui implique plus de 3.000 enfants.
Le Professeur Florence Askenazi qui en est à l’initiative, a sollicité l’Etat pour une prise en charge partielle, sans réel retour.
Il est triste de constater qu’une scientifique privée doive pallier le manque d’accompagnement thérapeutique proposé par les différentes institutions.Le projet Common bond :
Il s’agit d’un projet créé par Tuesday’s Children, une association américaine créée pour aider et soigner les enfants impactés par l’attentat du 11 septembre 2001.
Par extension, elle a eu pour but de soigner et guérir les enfants victimes d’acte de terrorisme, de crimes de masse et de guerre.
Le projet prend la forme de rencontres, sur le sol américain, d’adolescents victimes provenant du monde entier.
Durant plusieurs semaines, pendant les vacances scolaires, le but est, au travers de nombreux ateliers thématiques, d’échanger sur un vécu traumatique commun.
Notre association y a envoyé plusieurs adolescents l’année dernière et nous sommes inscrits à tous les programmes de ce projet.Et il y faut parfois quand un projet est tellement important, prend tellement d’ampleur, constituer une association dédiée comme l’a fait Anne Murris pour le Musée Mémorial en créant l’association « Mémorial des Anges ».
Cette brève analyse terminée, il devient évidemment nécessaire de se poser la même question sur l’avenir.
Qu’allons-nous faire des prochaines années ?
Comment allons-nous les mettre à profit ?
Il y a encore tellement de sujets qui nous tiennent à cœur.Il y a la réalisation de la stèle en mémoire de nos victimes, sur laquelle la Mairie œuvre et nous la remercions.
Nous allons devoir suivre le procès, difficile mais nécessaire étape.
Celui-ci débutera le 5 septembre 2022 devant la cour d’assises spéciale de Paris. Pour ma part, j’y assisterai.
Nous espérons que sera faite la lumière sur toute la chaine d’actions et de complicités ayant contribué à la perpétration de cet abjecte crime.
Nous attendons de la justice qu’elle juge, punisse avec fermeté.
Nous partageons le sentiment d’Antoine Leiris quand il dit « Votre n’aurez pas ma haine ».
Oui vous n’aurez pas ma haine.
Vous n’aurez pas ma haine, mais vous n’aurez pas mon pardon pour autant.
Alors oui, nous attendons fermeté de la part d’une justice sur laquelle nous restons vigilants et critiques.
Et à qui nous voulons rappeler que nous n’avons toujours pas accepté les libérations conditionnelles de certains suspects et les traitements de faveur dont bénéficient certains terroristes en milieu carcéral.
Sur le volet juridique, nous attendons aussi les conclusions de l’enquête menée à Nice, afin que la lumière soit faite sur les différentes défaillances ayant conduit à un si lourd bilan.Il y aura aussi le projet du Musée Mémorial des victimes du terrorisme et nous apportons tout notre soutien à l’association « Mémorial des anges » dans cette longue, difficile mais ô combien noble démarche.
Avec beaucoup de difficultés, nous devrons œuvrer pour que certaines pratiques changent dans les instituts médicaux légaux, afin que les dépouilles des victimes d’acte de terrorisme soient traitées et rendues à leur famille avec toute la dignité qui leur est due.
Pour finir, il y aura le chemin de la résilience, difficile et long parcours vers un équilibre, vers une vie qui ne soit pas que survie.
Chacun doit puiser des forces là où elles se trouvent. Pour ma part ces sources, sont les enfants, la famille, les amis, l’activité professionnelle et l’association.
Ces indéfectibles soutiens qui apportent l’amour, le réconfort et la dignité.
Oui la dignité.
Car il est facile et trop souvent tentant de se laisser aller, baisser les bras et attendre.
Attendre passivement et se perdre finalement, en oubliant ceux dont nous avons la charge, nos enfants, nos amis, la mémoire de nos défunts.
Donc,
Nous n’avons pas le droit de céder !
Nous avons le devoir d’être leur pilier !
Pour leur mémoire,
Restons debout.
Restons dignesMerci.